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Dédramatiser le cancer de la prostate


9 décembre 2020

Par le Dr Sophie Duméry

Dépistage individuel… ou pas ? Les autorités de santé et les urologues ont beaucoup débattu avant d’arriver à une sorte de consensus de fait. Cela dit, le danger de ce cancer est à relativiser pour ne pas tomber dans une angoisse hors de propos.

 

 

Le cancer de la prostate, premier cancer de l’homme en fréquence, en touche 50.430 chaque année, mais il n’en tue que 8115 dans le même temps, soit une mortalité à 7,9%. La dernière décennie a vu son incidence (nombre de nouveaux cas chaque année) baisser de 3,7%, situation plus favorable que celle, en miroir, du cancer du sein chez les femmes.1 Cette mortalité réduite s’explique plus ou moins selon les médecins par le dépistage ciblé des personnes à risque de tumeur agressive et une meilleure prise en charge.

 

Dépister au cas par cas

Avec la découverte du PSA (Prostatic Specific Antigen) comme marqueur de l’activité des cellules prostatiques, les médecins ont crû tenir un bon marqueur pour dépister précocement les tumeurs malignes sans signes perceptibles (patient asymptomatique). Mais ce marqueur sanguin est à prendre avec des pincettes. Sa variation annuelle permet de suspecter une expansion tumorale, mais avec des limites. Dans 10% des résultats normaux c’est-à-dire inférieurs à 4 ng/mL un cancer est quand même présent : ce sont des faux négatifs. A l’inverse 30% des résultats positifs, supérieurs au seuil des 4 ng/mL, il n’y a en fait pas de cancer. Ces faux positifs affolent le patient et parfois le médecin… La médecine étant historiquement un métier d’hommes, sans doute faut-il y voir une angoisse partagée, qui mène à des prescriptions annuelles réitérées, entretenant une inquiétude dommageable et inappropriée.

 

Emergence de la surveillance active

La Haute Autorité de Santé a tranché en 2010.2 Pas de dépistage systématique par le dosage annuel du PSA, rien que du cas par cas pour éviter les sur-diagnostics de cancer menant à des sur-traitements délabrants chez des patients dont la survie est longue sans intervention (15 ans). L’Association française d’Urologie (AFU) se sentant attaquée pour chirurgie abusive, elle a rappelé que dépister n’est pas traiter. Certes, mais un PSA douteux entraîne logiquement des biopsies, douloureuses et coûteuses, avec de possibles complications. Cela aboutit souvent à trouver des cellules cancéreuses isolées et dormantes qui poussent à des décisions chirurgicales. Ces décisions typiquement masculines sont partagées par l’urologue (quasi toujours un homme) et le patient inquiet qui s’en remet au congénère. Les ablations totales de la prostate ont été très nombreuses jusqu’en 2010, au grand dam des autorités sanitaires, de l’Assurance maladie, et de patients dont la qualité de vie s’est nettement détériorée.

Les urologues ont convenu qu’on pouvait pratiquer une sorte de bouddhisme pragmatique par une « surveillance active ». Les deux mots sont importants : on reste en alerte pour intervenir dès que la situation dérape, grâce à un dosage annuel du PSA et des biopsies prostatiques tous les deux ans. Cette proposition s’adresse à des patients porteurs d’une tumeur à faible risque d’expansion dans les 10 à 15 ans à venir. Elle ne peut se faire qu’avec leur accord explicite et éclairé par une information loyale (document sur le site de l’INCa).3

 

Evaluer la situation individuelle

La consultation de dépistage s’envisage entre 50 et 75 ans, seulement avec l’accord du patient dûment informé des bénéfices et des risques. Elle se justifie en présence de trois facteurs de risque (HAS).4 D’abord des cas familiaux de cancers du sein et de la prostate. Ces tumeurs ont parfois en commun des gènes (BRCA 1 et 2) prédisposant à des formes invasives. Une hérédité cancéreuse familiale implique une consultation d’oncogénétique pour faire le point des risques encourus (voir encadré 1). Le deuxième facteur de risque est l’origine africaine, mais il faut le relativiser. Dans une étude récente la prise en compte des facteurs sociaux (éducation, niveau de vie, accès aux soins) fait disparaître la surmortalité des Afro-Américains par cancer prostatique.5 Enfin, l’exposition aux polluants perturbateurs endocriniens, comme la chlordécone aux Antilles, est un risque confirmé.

Faut-il dans ces situations à haut risque faire un dépistage précoce par PSA à 40 ans ? Des données accumulées soutiendraient cette option, mais pour l’instant aucun avis officiel n’est paru.

 

Une procédure codifiée

La consultation de dépistage comporte un toucher rectal et un dosage sanguin du PSA. Si l’un des deux ou les deux sont anormaux, le contrôle biopsique est indispensable. Les cancérologues recourent de plus en plus à l’IRM pour repérer les lésions et cibler les biopsies. Celles-ci sont alors faites en plus petit nombre sous guidage échographique. Le tissu prélevé est analysé pour fournir la nature et l’agressivité de la tumeur (score de Gleason surtout), informations indispensables au traitement.

  • La situation est dite à faible risque évolutif lorsque le PSA ne dépasse pas 10 ng/mL ET que le score de Gleason ne dépasse pas 6. La surveillance active est proposée et une IRM pelvienne vérifie qu’il n’y a aucune extension locale.
  • Avec un risque intermédiaire lorsque le PSA est entre 10 et 20 ng/mL OU que le score de Gleason est à 7) un bilan d’extension est nécessaire. Les traitements possibles sont nombreux : radiothérapie, hormonothérapie, prostatectomie. Cette intervention retire la glande en totalité avec des séquelles fréquentes, urinaires et sexuelles. En particulier l’éjaculation du sperme se fait dans la vessie et non à l’extérieur, ce qui ne permet pas d’avoir un enfant de manière naturelle (stérilité mécanique).
  • Lorsque le PSA OU le « Gleason » sont plus élevés, le risque d’évolution rapide justifie, dans les meilleurs délais, le bilan d’extension et un traitement énergique.

Dans tous les cas, le patient choisit ce qu’il va endurer dans l’éventail des propositions du médecin, même si l’influence de celui-ci est manifeste.6 D’où l’importance d’une information complète et loyale.

 

Objectif Qualité de vie

La surveillance active, quand elle est possible, est l’option qui est  la plus séduisante. Mais au bout de 2 à 5 ans de suivi le bénéfice ressentit par le patient n’est plus évident, alors que sa survie est la même quelle que soit la prise en charge (pas de perte de chance avec la surveillance active au bout de 5 ans).7 A très long terme effectivement (au-delà de 20 ans de suivi) la mortalité par cancer prostatique est plus élevée (+50%) chez les personnes toujours en surveillance active que chez les patients opérés (prostatectomie) avec des séquelles variables.8

 

 

 

Oncogénétique
Le cancer prostatique est le plus héritable des cancers : 57% des différences entre individus sont attribués à leur profil génétique.9 Entre autres, les gènes BRCA 1 et 2 (impliqués dans les cancers du sein et de l’ovaire familiaux) interviennent pour presque 2% des cas. Ces mutations ont des pronostics sombres car les tumeurs sont plus agressives (métastases précoces).

 

PCA3

Un marqueur sanguin émerge : le PCA3. Caractéristique du cancer prostatique, son dosage se pratique en 2e intention lors de cas douteux, pour guider la décision médicale et/ou suivre l’efficacité du traitement d’une tumeur connue.

 

IRM de dépistage, révolutionnaire

L’IRM est la prochaine révolution du dépistage car sa définition approche la qualité diagnostique des biopsies.

L’IRM a une forte valeur prédictive négative. C’est-à-dire que si elle est négative il y a 97% de chances que les biopsies le soient aussi.10 Cela permet d’en réduire le nombre dans certaines conditions (presque 30% de moins), donc de réduire aussi leurs complications (saignements, infections).



Références

1- Estimations nationales de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018. INCa, Santé publique France et coll. Juillet 2019.

2-  Dépistage du cancer de la prostate, analyse critique… HAS, Rapport d’orientation, juin 2010.

3- Le dépistage du cancer de la prostate, s’informer avant de décider. INCa, mars 2016.

4- Cancer de la prostate : identification des facteurs de risque et pertinence d’un dépistage par dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) de populations d’hommes à haut risque ». HAS, rapport d’orientation, avril 2012.

5- Association of Black Race With Prostate Cancer–Specific and Other-Cause Mortality. Dess et coll. JAMA Oncol. 2019;5:975-983.

6- Physician Variation in Management of Low-Risk Prostate Cancer. Hofman et coll. JAMA Intern Med. 2014;174:1450-1459.

7- Patient-Reported Outcomes Through 5 Years for Active Surveillance, Surgery, Brachytherapy, or External Beam Radiation With or Without Androgen Deprivation Therapy for Localized Prostate Cancer. Hoffman et coll. JAMA. 2020;323:149-163.

8- Radical Prostatectomy or Watchful Waiting in Early Prostate Cancer. Bill-Axelson et coll. N Engl J Med 2014;370:932-42.

9- Familial risk and heritability of cancer among twins in Nordic countries. Mucci et coll. JAMA 2016; 315: 68-76.

10- Boesen et coll. JAMA Network Open. 2018;1:e180219.