N° en cours : 161
Par le Dr Sophie Duméry
De quoi parle-t-on ?
Le mot cryothérapie désigne l’emploi du froid (glace, eau ou ambiance froides) comme remède à des dommages corporels. En pratique, tout le monde a limité les dégâts cellulaires d’une brûlure par de l’eau fraîche. Sur les terrains de sports le pack de glace est prêt à limiter un hématome, un traumatisme musculaire ou articulaire. Il y a des millénaires que les médecins utilisent le froid pour soulager ou guérir. L’apparition d’appareils permettant le refroidissement calculé du corps entier a permis le développement de ce secteur, qui s’accompagne d’incertitudes sur la pertinence de l’usage sans prescription médicale réfléchie.
Qu’est-ce que la cryothérapie corps entier ?
C’est l’exposition du corps entier, tête comprise dans une chambre cryogénique pendant 2 à 3 minutes (pas plus de 4 minutes) à un froid sec intense de -110 à -170°C. Ce froid intense est obtenu par la vaporisation d’azote liquide.
L’entrée se fait par un sas dit préliminaire entre -50 et -70°C une vingtaine ou trentaine de secondes pour éviter l’écart thermique brutal et le brouillard lié à l’humidité de l’air ambiant.
Qu’est-ce que la cryothérapie partielle ?
On parle de cryothérapie partielle quand l’exposition au froid se fait dans une cabine cryogénique (ou cryosauna) ouverte à la partie supérieure pour que la tête ne soit pas exposée au nuage de gaz à très faible température de -110 à -195°C. L’immersion dans le caisson s’arrête à la base du cou.
Les résultats sur la surface corporelle sont moins prononcés qu’avec la formule corps entier. En l’absence de sas d’acclimatation, cette technique « légère » est plus rentable commercialement, d’où un nombre de centres beaucoup plus élevé sur le territoire.
Comment est-elle née ?
Le concept est dû au japonais Toshio Yamauchi qu’il l’a présenté à un congrès médical européen en 1979 pour traiter les maladies rhumatismales. Rapidement on l’étend aux douleurs traumatiques des sportifs, qui ressentent aussi une diminution de la fatigue lors d’entraînements intenses. Le succès est donc rapide dans le milieu sportif de haut niveau ! L’Union soviétique l’adopte immédiatement, l’Allemagne et la Pologne perfectionnent le matériel. La première chambre cryogénique est installée en France en 2002 au Centre européen de rééducation du sportif (CERS) de Capbreton, et la seconde en 2009 à l’Institut national du sport de l’expertise et de la performance (Insep).
Comment se passe une séance ?
Qu’ll s’agisse de chambre cryogénique ou de cryosauna, le patient doit respecter quelques précautions (voir encadré 1). La protection des extrémités est impérative par des chaussettes, cache-oreilles et des gants en coton épais. La durée d’exposition au froid ne dépasse pas 4 minutes car la baisse de la température corporelle est très rapide. C’est ce choc thermique bref qui est thérapeutique (voir encadré 2). Il est suivi d’un temps de repos en ambiance normale.
D’après le consensus médical européen sur cette technique (2006), l’exposition au froid intense fait chuter la température de la surface du corps autour de +5°C (petite variation en fonction des caractéristiques individuelles) grâce à la vasoconstriction temporaire associée à la perte de chaleur corporelle par convection (air ambiant) et rayonnement infrarouge. Cela provoque des réactions réflexes « bénéfiques » physiologiques : neurologique, thermique, musculaire et circulatoire. Ce que ne fait pas du tout l’application locale de froid…
Quels sont les bénéfices ?
Ils sont antalgiques et anti-inflammatoires. Les messagers de l’inflammation sont sidérés, la conduction nerveuse aussi, l’œdème tissulaire est chassé par la vasoconstriction. Avec une récupération par vasodilatation lors du retour en ambiance chaude. Toutefois de tels effets sont très difficiles à quantifier.
Leur mise en évidence réclame des techniques de pointe, un haut degré d’expertise et beaucoup d’argent pour des essais cliniques en double aveugle tels que les avis et recommandations médicaux les exigent. Du coup, le rapport de 2019 de l’Institut national de la Santé et de la Recherche médicale (INSERM) conclut qu’il est bien difficile d’émettre un avis ferme sur les bénéfices allégués par les diffuseurs de cette technique.1
Si l’on diminue les exigences scientifiques, de nombreux « centres cryothérapeutiques » ont des choses à dire sur leurs résultats, bien que la taille des effectifs de patients soit modeste. La volonté d’en savoir plus est patente pour promouvoir la technique, qui n’est pas remboursée par l’Assurance Maladie.
A qui la propose-t-on ?
Un consensus général la propose aux malades inflammatoires souffrant de spondylarthrite ankylosante, de polyarthrite rhumatoïde par exemple. Toutes les atteintes articulaires inflammatoires sont des indications possibles. Mais aussi les maladies auto-immunes y compris neurologiques, comme la sclérose en plaques. Ce sont les kinésithérapeutes qui apprécient généralement sa pertinence, surtout s’ils suivent des sportifs : second groupe à qui la cryothérapie s’adresse pour limiter les séquelles de traumatismes musculaires/articulaires, et la récupération musculaire. Les séances sont d’une à deux par jour en suivi sportif selon l’intensité d’entraînement.
Y a-t-il des contre-indications ?
Oui. Chaque centre doit d’ailleurs faire remplir un formulaire d’absence de contre-indication au client. Un avis favorable du médecin est fortement souhaité ! Car les contre-indications sont nombreuses, surtout cardiovasculaires : insuffisance cardiaque, hypertension non contrôlée par le traitement, angine de poitrine, artérite, phlébite, pacemaker et défibrillateur implantés. Mais aussi tous les implants sous-cutanés médicaux, le syndrome de Reynaud, les anémies, les infections, les troubles respiratoires chroniques, etc. Sans oublier la claustrophobie et la grossesse…
Quel est le cadre réglementaire ?
Une cabine de cryothérapie à des fins non médicales telles que le bien-être, la récupération ou l’entrainement du sportif ou l’esthétique, n’est pas un dispositif médical et ne requiert donc pas le marquage CE (directive 93/42/CEE21).
Des revendications telles qu’une action antalgique (anti-douleur), notamment dans les maladies rhumatismales, la diminution des symptômes de la sclérose en plaques ou des troubles asthmatiques, l’atténuation des signes dépressifs sont des fins médicales décrites à l’article R.5211-1 du Code de la Santé publique. Le matériel vendu avec ces indications d’utilisation (notice, étiquetage et support promotionnel) est un dispositif médical imposant le marquage CE. C’est aussi obligatoire quand le matériel revendique les deux usages, médical et bien-être (directive 93/42/CEE).
Précautions préparatoires
Retirer les lentilles de contact.
Etre entièrement sec : cheveux, corps et vêtements de protection : gants, chaussettes, cache-oreilles - maillot de bain.
Attendre une heure après toute pratique sportive avant de faire une séance.
Pas de crème corporelle d’aucune sorte sur la peau.
Aucun objet métallique sur la peau : bijoux, alliance, piercing.
Prévoir le temps de repos après la séance.
Référence :
Evaluation de l’efficacité et de la sécurité de la cryothérapie du corps entier à visée thérapeutique. Rapport Inserm, juin 2019.